Les Fusées Oubliées : Europa et Cora - le Livre référence (101/89) de Christophe Rothmund du 22 novembre 1989
Christophe Rothmund - Ingénieur de l'Ecole nationale d'ingénieurs de Belfort et de l'Ecole supérieure des techniques aérospatiales, il est ingénieur d'études au sein de la division Moteurs Spatiaux de Snecma, groupe Safran. Il a travaillé sur la production des systèmes propulsifs d'Ariane 4 et au développement de ceux d'Ariane 5 avant de se consacrer aux avant-projets et à la prospective. Il est également l'historien de cette division et est membre correspondant de l'International Academy of Astronautics.
Sommaire
- Le programme Europa
- l'étage Coralie
- l'engin Cora
- les vols Europa et Cora
- les acquis de Coralie
- Les autres Utilisations de Coralie
- La reconstitution d'un Engin Cora
1 Le programme Europa
les origines du projet
Le premier lanceur européen Europa 1 fut le fruit d'une initiative franco-anglaise. en effet , en 1960 débutèrent des discussions visant à réunir les compétences spatiales des deux pays afin de développer un lanceur de satellites.
La Grande Bretagne fournirait le premier étage, basé sur son gros missile mono étage Blue Streak, la France étant responsable du deuxième étage, dérivé de la fusée-sonde Véronique.
Manquaient encore le troisième étage et les coiffes.
Une conférence fut organisée à Strasbourg en février 1961 qui déboucha sur une autre conférence tenue à Londres en novembre de la même année.
Le résultat fut une convention signée le 29 mars 1962 par la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la RFA, le Royaume Uni et l'Australie.
Un organisme européen, l'ELDO ( European Launcher Development Organisation) fut créé afin de gérer ce programme et naquit le 5 mai 1964.
La ventilation des contributions était la suivante:
La RFA devait concevoir et fournir le troisième étage, l'Italie étant responsable des coiffes et des satellites d'essai, la Belgique de la station de guidage radio de l'engin.
Description
Europa 1 était un lanceur tri-étage haut de près de 32 mètres, d'un diamètre maximal de 3,69 mètres et d'une masse au décollage de prés de 105 tonnes.
Il était capable de placer environ 1 tonne sur une orbite circulaire à 500kms d'altitude.
Le premier étage était constitué de l'ex-missile stratégique anglais Blue Streak conçu par la société de Havilland dans les années 50, il fut abandonné en tant qu'engin militaire en 1960 et reconverti dans le civil.
L'étage Blue Streak (photo BAe) essai du moteur RZ-2 (photo Rolls Royce)
propulsé par 2 moteurs à turbopompe Rolls-Royce RZ-2 de 62 tonnes de poussée et dérivé de ceux du missile américain Atlas, cet étage emportait 87 tonnes d'ergol ( kérosène et oxygène liquide)
Le 2éme étage construit par la France était dérivé des fusées sondes VERONIQUE et VESTA.
Baptisé Coralie pour (Cora-Austra-lie), il était équipé de injecteurs de 268 KN de poussée totale, brulant du N2O4 et de l'UDMH et alimenté par pression de gaz. Le réservoir, pressurisé à 18,6 bar, était construit par Nord Aviation aux Mureaux. le propulseur y compris le générateur des gaz de pressurisation des réservoirs étant développé par le L.R.B.A , dont les activités relatives à la propulsion furent transférées à la SEP en 1971.
Le 3éme étage de responsabilité allemande, s'appelait Astris. Cet étage était d'une technologie très avancée pour l'époque marquée par un gros effort d'allégement des structures avec emploi généralisé du titane ainsi que un système propulsif de conception originale. Le réservoir sphérique unique était pressurisé à l'hélium et renfermait les 2 ergols (N2O4 et Aérozine 50) séparés par un fond commun. Il était équipé de 3 moteurs : un moteur principal de 22,5 kN de poussée développé par la SEPR (aujourd'hui SEP) à villaroche pour le compte de la société allemande ERNO flanqué de deux moteurs verniers de 300 N de poussée unitaire développé par Bölkow ( aujourd'hui MBB). Cet étage était réalisé par l'ASAT (Arbeit Gemeinschaft Satelliten Tragersystem) un consortium formé des deux sociétés ERNO et Bölkow.
ERNO était chargé de la structure , du réservoir d'ergols et du moteur de 300N, du système de vérification et des réservoirs d'hélium.
étage Astris photo ERNO photo ERNO
La coiffe et le satellite d'essais étaient sous la responsabilité de FIAT (aujourd'hui AERITALIA) en Italie.
coiffe et satellite (photo SEP) satellite d'essai FIAT
Le système de guidage était situé dans le 3éme étage. Il s'agissait radio en liaison avec la station de Gove en Australie qui assurait l'acquisition, la poursuite et la télécommande du 3éme étage. Après calcul en temps réel des corrections de trajectoire nécessaires, les ordres de pilotage correspondants étaient ensuite élaborés et envoyés au 3 éme étage.
Le programme de développement
Chaque pays (France, Royaume-Uni, RFA, Italie) était responsable d'un des ensembles principaux : étage ou coiffe
Chacun de ces éléments était testé séparément au sol: L'étage Blue Streak était mis à feu à Spadeadam en grande Bretagne. Le L.R.B.A à Vernon était responsable des essais de Coralie. Quant à Astris, il était essayé à Trauen chez ERNO en RFA ainsi qu'à la DFVLR à lampoldshausen en RFA .
Enfin , FIAT testait les coiffes et les satellites d'essais.
Conformément aux habitudes de l'époque, on avait prévu d'expérimenter les étages en vol les uns après les autres.
D'abord le premier étage seul, puis surmonté de maquettes inertes de la partie haute, Ensuite les deux premiers étages actifs surmontés d'un 3éme étage inerte. Enfin les 3 étages actifs.
Parallèlement , les étages supérieurs devaient )être testés en vol séparément, au moyen des fusées CORA et CORA 2.
Les répartitions financières et industrielles définitives ont été les suivantes :
Grande Bretagne : 27% 1er étage (de Havilland puis Hawker siddeley (aujourd'hui BAe)
moteurs :Rolls-Royce
France : 25% 2éme étage : Nord Aviation (SNIAS) propulsion L.R.B.A (SEP)
RFA : 27% 3éme étage :ASAT (ERNO + MBB) idem pour les moteurs
Italie : 12% coiffe satellites : FIAT (AERITALIA)
Belgique et Pays Bas : 9%
Le Lanceur Europa 2
Europa 1 n'étant pas capable de placer directement un satellite sur orbite géostationnaire, des études furent menées en 1966 afin de la doter de cette capacité. L'adaptation à cette nouvelle mission fut rendue possible par le 4éme étage PAS (Perigee Apogee system)
Le lanceur pouvait ainsi satelliser 150 kg sur orbite géostationnaire
De plus, le système de guidage était totalement remanié. Il s'agissait d'un guidage inertiel. Le système se composait d'une plateforme inertielle et du matériel électronique associé , d'un calculateur numérique, d'une unité d'interface et d'une alimentation électrique.
Le lanceur était totalement autonome pour élaborer sa trajectoire . La case à équipements ( guidage inertiel ) était installée dans la partie supérieur du 3éme étage.
Le 4éme étage était doté d'une case à équipements supplémentaire qui assurait 3 fonctions:
- liaison mécanique entre la structure avant du propulseur et la charge utile.
- génération des ordres séquentiels de l'étage à partir d'une initialisation lors de la séparation 3/4
- transmission vers le sol des télémesures vol
vue d'un satellite sous la coiffe Europa 2
Le PAS se composait cf. figures :- du moteur du périgée avec la case à équipements, le tout formant le 4éme étage , de responsabilité AEROSPATIALE
- du satellite
- du moteur d'apogée intégré au satellite et de responsabilité BPD (Italie)
Le moteur de périgée emportait 590 kg de poudre Isolane 19-9 et développait une poussée de 43500N de 45 s.
le moteur d'apogée emportait 130 kg du même propergol solide et développait une poussée de 21000N durant 20 s.
Il était prévu de mettre au point le PAS au moyen d'un engin baptisé VEMPA (Véhicule d'essai des moteurs de périgée et d'apogée)
Il s'agissait en fait d'un lanceur DIAMANT-B dont le 3éme étage était remplacé par le PAS (cf. figure)
Le VEMPA ne fut jamais concrétisé, vraisemblablement pour des raisons budgétaires et il fut décidé de mettre au point le PAS directement sur le lanceur Europa 2 lors de ses premiers tirs.
Il est à noter que le moteur d'apogée à poudre devait être remplacé par un moteur à liquides sur les satellites Symphonie, premières charges utiles commerciales du lanceur Europa, ce moteur étant directement dérivé du moteur vernier d'ASTRIS. Les vols Europa 2 symphonie n'eurent jamais lieu, le programme étant abandonné en 1973 après un vol unique qui fut un échec.
caractéristiques générales d'Europa 2
synoptique simplifié du Blue streak
détails de la baie de propulsion du Blue streak
l'existence mouvementée du CECLES -ELDO
La convention du 29 mars 1962 fut ratifiée le 29 février 1964. L'ELDO put ainsi démarrer se activités le 5 mai suivant
Son but était d'aboutir à la mise au point en 1967 du lanceur Europa 1, le coût de ce projet étant évalué à 196M dollar.
Une première crise se développa à la fin de 1964 lorsqu'il apparut que le budget réel dépasserait les 300 M dollar.
Cette crise fut résolue en avril 1965, après une réunion intergouvernementale.
Une seconde crise , bien plus importante , se déclencha le 17 février 1966. Le Royaume-Uni remit en cause l'existence de l'ELDO. Il s'en suivit une réforme des objectifs et des structures:
- réduction de la contribution britannique de 38% à 27%
- démarrage du programme Europa 2 le budget passant à 626 M dollar
- réorganisation du CECLES-ELDO
Une troisième crise fut déclenchée le 16 avril 1968 lorsque le gouvernement britannique annonça son intention de se retirer du programme Europa en 1971, tout en fournissant le Blue Streak jusqu'en 1976.
Une conférence des pays membres se tint à 3 reprises et aboutit à un allégement des programmes ( annulation des tirs d'Europa 1)
s'ensuivirent crises et conférence, échecs et tiraillements pour finalement aboutir à la dissolution du CECLES-ELDO et son incorporation à l'agence spatiale européenne à partir du 1er avril 1974, ainsi qu'à l'arrêt définitif de ses programmes Europa 2 et Europa 3
745 millions de dollar (de l'époque) avaient été dépensés sans qu'un seul satellite ait été jamais mis sur orbite...
De même, 47 M dollar avaient été dépensés pour Europa 3, successeur d'Europa2
ces annulations entrainèrent de très nombreuses pertes d'emploi:
320 personnes à Paris
250 personnes à Kourou
600 personnes en Grande Bretagne
500 en RFA
350 en France
et provoquèrent 1 à 2 ans de retard pour les lancements des satellites Symphonie ainsi qu'une dépense supplémentaire de 16 millions de dollar pour le lancement par des fusées américaines.
2 l'étage Coralie
Généralités
Cet étage se composait:
- d'un réservoir d'ergols à fond commun
- d'un fond avant équipé d'un générateur de gaz
- d'un fond arrière de 4 moteurs et d'u propulseur de séparation à poudre
Il comprenait en outre:
- un système de télémesure
- un système de localisation radar
- un système de destruction de sauvegarde
Structures
le réservoirs en acier Maraging, contenaient 3412 kg d'UDMH et 6438 kg de N2O4.
Le bâti-moteur en tubes d'acier soudés transmettait la poussée à l'étage. Il supportait les 4 moteurs, le propulseur auxiliaire de séparation , les 4 vérins de pilotage, les vannes et leurs bouteilles d'azote associées ainsi qu'un des conteneurs de télémesure.
fond arrière de Coralie (photo SEP)
La jupe avant, réalisée en nid d'abeilles, renfermait le bâti-support d'équipements. constitué d'une charpente métallique faite d'un ensemble de longerons en alliage léger et surmonté d'une structure pleine, celui-ci supportait le générateur de gaz avec ses réservoirs de N2O4, UDMH, H2O et sa bouteille d'azote, le groupe de commande du générateur ainsi que la quasi-totalité des équipements de l'étage.
fond avant de Coralie (photo SEP)
propulsion
Généralités
Coralie était propulsée par 4 moteurs de 67 kN de poussée unitaire dans le vide . Leur alimentation était assurée à travers des vannes de commande par mise en pression des réservoirs d'ergols.
La mise en œuvre du système de propulsion était assuré par le fonctionnement successif de vannes pyrotechniques commandées par un programmateur séquentiel.
Système de pressurisation des réservoirs d'ergols
Les gaz de pressurisation étaient essentiellement de la vapeur produite dans un générateur par mélange d'eau et de gaz chauds résultant de la combustion d'une petite quantité d'ergols.
Une partie de ces gaz était utilisée pour l'alimentation des vérins de pilotage.
l'alimentation du générateur était faite à partir de réservoirs auxiliaires mis sous pression d'azote.
Les réservoirs principaux étaient pressurisés à 18,6 bar et la générateur fonctionnait durant 106 secondes.
Les moteurs
Les 4 moteurs , fixés sur un bâti de reprise de poussée étaient articulés suivant des axes radiaux.
Ils comportaient un injecteur annulaire et un divergent galbé, les parois étant refroidies par un film d'UDHM; 22,5% de l'UDHM consommée était utilisée pour ce refroidissement qui maintenait la paroi de la chambre à moins de 800°C.
injecteur annulaire du moteur de Coralie (photo SEP)
éjecteur divergent du moteur de Coralie (photo SEP)
Dans le cas des étages destinés à CORA, le divergent était droit et court car il ne devait pas fonctionner dans le vide.
Séparation
La séparation 1/2 était utilisée par mise à feu des boulons explosifs d'assemblage , sur commande du séquenceur 2éme étage, elle était initialisée par le 1er étage. La vitesse de séparation était fournie par un booster à poudre.
Ce moteur auxiliaire développait une poussée de 39 kN durant 2 s à une pression de chambre de 70 bar.
Localisation-Pilotage-Sécurité-Télémesure
Localisation
l'étage Coralie était équipé de 2 répondeurs radars destinés à améliorer la trajectographie.
Pilotage
Les moteurs avaient un débattement maximum de # 8°. Leur orientation était commandée par la centrale de pilotage et assurée au moyen de vérins hydrauliques.
Un séquenceur délivrait les ordres successifs de mise en route :
-
du système de séparation.
- du système de pressurisation des réservoirs et d'alimentation pneumatique des vérins de pilotage.
- de l'alimentation des moteurs.
L'arrêt moteurs était assuré lorsque les cannes de niveau placées dans les réservoirs d'ergols autorisaient la phase d'extinction.
Le bloc de pilotage recevait du 3éme étage les signaux correspondant aux écarts d'altitude de l'engin ainsi qu'un signal de référence. Il recevait également les vitesses angulaires issues d'un bloc gyrométrique et à partir de toutes ces informations du 3éme étage et du bloc gyrométrique, le bloc de pilotage élaborait les ordres de commande.
Télémesure
Coralie était instrumentée de manière à retransmettre 67 paramètres analogiques et 23 tops de contrôle ainsi que 7 mesures en continu dont la pression foyer d'un des moteurs.
Sécurité
Le système de sécurité des lanceurs Europa 2 était conçu pour permettre de télécommander du sol la destruction du lanceur au cas où il s'éloignerait de la trajectoire prévue. Si cela devait se produire lors d'un vol propulsé du premier étage, il commandait l'arrêt des moteurs (le lanceur s'abimant alors dans l'océan). Dans le cas des vols propulsés des étages supérieurs, on commandait leur destruction.
Le dispositif de destruction de Coralie était conçu pour déchirer les réservoirs d'ergols au niveau de leur fond commun. leur mélange provoquait une explosion détruisant l'étage.
Il se composait :
- de deux cordeaux découpeurs
- d'un système de sécurité et d'initiation de la chaîne pyrotechnique.
Les cordeaux découpeurs, longs de 460 mm, étaient logés dans des gouttières au niveau de la séparation des 2 réservoirs. Deux cordeaux détonnant souples, en amont et en aval desquels des relais pyrotechniques avaient été placés afin d'assurer la continuité de la détonation, reliaient les cordeaux découpeurs au système sécurité/initiation.
Les étapes essentielles du développement
L'étage Coralie était développé par le GIE Nord-Vernon qui regroupait le L.R.B.A. pour la propulsion et Nord-Aviation pour les structures et l'intégration.
Quelques dates et chiffres essentiels:
1er essai de chambre seule octobre 1963 au PF1 puis essais de groupements de 4 chambres au PF2.
essais statiques des 4 moteurs de Coralie sur le PF2 à Vernon
1er essai de l'étage : 29 octobre 1965 au PF4( durée :96 s)
essai de l'étage Coralie sur le banc PF4 à Vernon (photo SEP)
7 essais de mise au point suivis de 4 essais de qualification en 1966.
transport et mise au banc de Coralie (photos SEP)
2 tirs d'étages complets en automne 1966 avec télémesure vol.
Ceci représente plus de 300 essais à feu et une consommation de plus de 300 t d'UDMH et de plus de 600 t de N2O4 ainsi que la réalisation de plus de 20 engins.
Caractéristiques essentielles de l'étage Coralie
Pression de combustion : 13 bar
Taux de détente (vide) : 140/1
Poussée totale (vide) :26800 daN
Impulsion spécifique (vide) : 281 s
Durée de propulsion : 105 s
Masses d'ergols embarquées (kg) :
Réservoirs principaux : UDMH 3412
N2O4 6438
Réservoirs pour générateur : UDMH 13
N2O4 36
H2O 100
azote 10 kg (à 212 bar)
Rapports des sections : Coralie 114,8
Cora 3,4
3 L'engin CORA
CORA se composait de 3 parties distinctes:
-
un 1er étage : Coralie (France)
- un 2éme étage: Astris (RFA)
- une coiffe (Italie)
De plus, certains documents mentionnent l'existence de "quelque chose" sous la coiffe. En effet, il était prévu à l'origine du projet (en 1963) d'équiper CORA d'une pointe de mesure du type VE111. Cette solution aurait été abandonnée au profit d'un "satellite mannequin" qui aurait été fabriqué par HSD ( Hawker siddeley Dynamics Ltd.). Il n'a malheureusement pas été possible de vérifier cette hypothèse.
Deux générations d'engins CORA étaient prévues:
- CORA (ouCORA1° avec un étage Coralie actif et un étage Astris fictif
- CORA 2 avec deux étages actifs.
Seul l'engin CORA 1 fut réalisé et connut 3 lancements
La coiffe
Afin d'obtenir une trainée minimale, un coiffe spécifique a été conçue.
Il s'agissait en fait de la partie tronconique de la coiffe d'Europa, mais surmontée d'un cône dans son prolongement.( cf. fig.)
Cette coiffe, en matériaux synthétiques, était sous responsabilité FIAT (aujourd'hui Aéritalia) à Turin.
Astris
L'étage allemand d'Europa n' a subi que peu de modifications pour les vols Cora.
Il semblerait, au vu de la seule photographie disponible d'un tel étage, que les moteurs étaient remplacés par des lests et que les 2 réservoirs de gaz comprimés étaient fictifs. De plus seule la structure était représentée, aucune ligne hydraulique, aucun câblage n'étaient installés.
Enfin durant le vol, les réservoirs étaient lestés à l'eau.
Coralie (version Cora)
Les modifications touchaient essentiellement au fond arrière:
- divergents courts et droits adaptés au fonctionnement à basse altitude
- virole arrière cylindrique supportant 4 empennages.
Le reste de l'étage était inchangé.
4 Les Vols Europa et Cora.
4.1 Introduction
Les vols Europa eurent lieu entre 1964 et 1971 depuis 4 centres spatiaux:
- Woomera en Australie ( Weapons Research Establishment WRE) pour Europa 1
- Kourou en Guyane Française (Centre spatial guyanais CSG) pour Europa 2
- Hammaguir (Sahara) ( Centre Inter Armés d'Essais d'Engins Spéciaux CIEES)
- Biscarosse (France) (Centre d'Essais des Landes CEL) pour Cora
S'envolèrent au total 10 Europa 1 , une seule et unique Europa 2 ainsi que 3 Cora.
Les engins Cora 2 et Vempa ne décolèrent jamais.....
4.2 Les Vols Europa 1 et 2
Ainsi que nous l'avons vu précédemment , les 3 premiers vols d'Europa 1 furent en fait des vols de l'engin Blue Streak seul. Le décollage de la première Blue Streak eut lieu le 5 juin depuis Woomera : ce fut le vol F1.
Ce premier vol fut un succès total ainsi que les deux lancements (F2 et F3) qui suivirent le 20 octobre 1964 el le 22 mars 1965.
Suivirent alors les vols d'engins Europa 1 complets extérieurement mais dont les étages supérieurs étaient inertes ou pour reprendre la terminologie de l'époque: des étages "mannequins" . Ce furent les vols F4 et F5 . Le vol F4 du 24 mai 1966 fut un plein succès ainsi que le vol F5 du 15 novembre 1966 où fut réalisée pour la première fois la séparation entre le premier et le second étage.
vol F4 vol F5
L'étape suivante fut d'essayer Coralie qui était alors active, Astris étant toujours inerte.
Le vol F6/1 du 4 Août 1967 (à 13h24 en Australie) fut un échec (le premier mais pas le dernier ...)
En effet bien que la séparation entre le premier et le deuxième étage se soit déroulée correctement, les moteurs de Coralie ne s'allumèrent pas....
Comme nous l'avons vu aux chapitres précédents, Coralie était commandée au moyen d'un séquenceur, initialisé par un signal électrique issu du Blue Streak. Mais des problèmes d'alimentation électrique perturbèrent le fonctionnement de ce séquenceur, empêchant ainsi un allumage ponctuel.
Europa 1 F6/1 prête au lancement (photo DTSO) décollage de F-6/2
Le vol suivant F6/2 eut lieu le 6 décembre 1967, la campagne de lancement ayant débuté le 11 Août.
Le premier essai de décollage le 4 décembre se solda par un report en raison d'une incompatibilité entre les équipements au sol et un ordinateur. La seconde tentative, le lendemain, fut stoppée en raison du non fonctionnement des crochets de retenue du lanceur.....
Enfin le 6 décembre Europa 1 F6/2, décolla du désert australien...pour s'y écraser peu après la séparation entre le premier et second étage.
Une fois encore, Coralie ne put s'allumer en raison de la panne du séquenceur de vol.
Cet échec clôt la phase 2 du programme de développement d'Europa 1.
La phase 3 comprenait les vols F7 à F10.
Le vol F7, premier vol d'une Europa 1 complète et "active" (les 3 étages étant fonctionnels), eut lieu le 29 novembre 1968 à 8 h 42 heure locale. Cette fois Blue Streak et Coralie fonctionnèrent parfaitement, mais malheureusement Astris s'arrêta après 5 secondes de propulsion, le fond commun séparant les 2 réservoirs s'étant rompu brutalement.
Le vol suivant F8, qui eut lieu le 3 juillet 1969, s'acheva comme F7, pour les mêmes raisons.
Finalement le vol F9 eut lieu le 12 juin 1970 et se passa parfaitement au niveau des étages. mais hélas la coiffe refusa de se séparer cette fois-ci empêchant l'injection du satellite d'essai sur son orbite.
Le dernier vol (F10) fut finalement annulé pour des raisons financières.
Ainsi s'acheva le programme de développement d'Europa 1 qui connut des échecs cuisants et frustrants.
Vint alors le tour d'Europa 2, qui devait décoller de Kourou, plus favorable pour les tirs en orbite géostationnaire.
Après avoir subi avec succès un tir statique du 1er étage depuis son pas de tir à Kourou, la première EUROPA 2 décolla le 5 Novembre 1971 à 10 heures du matin.
Mais 107 secondes après ce fut la consternation, le lanceur ne se comportait plus comme prévu. En effet, la télémesure indiqua alors un arrêt total des signaux de pilotage. Vers 150 secondes il y eut arrêt de propulsion et Blue Streak explosa alors... 110 secondes plus tard ce fut le tour de CORALIE d'exploser et finalement au bout de 4 minutes et 44 secondes, les restes d'EUROPA 2 s'abimèrent dans l'Atlantique, à 485 kms de son point de départ.
Une semaine plus tard, les causes de la catastrophe furent élucidées en partie. L'interruption du pilotage à 107 secondes provoqua la dérive du lanceur qui a pris une incidence de 35° (pour 0° en principe). Sous cette incidence, il en résulta des efforts aérodynamiques et un échauffement cinétique ce qui provoqua la cassure du lanceur au niveau de la jupe inter-étage 1/2. Il se produisit alors un heurt entre ces deux étages qui provoqua à la fois le déchirement du réservoir de LOX du Blue Streak ainsi qu'une fissure au niveau du fond commun de Coralie mettant en contact les deux ergols d'où une explosion...
L'ONERA mena durant 10 mois une enquête qui permis de découvrir les causes de l'échec: il se produisit 3 incidents entre 105 et 108 s de vol:
- un arrêt du calculateur de bord
- des sauts du séquenceur
- des perturbations de pression sous la coiffe.
Tout se calma ensuite jusqu'à 150 s, puis se produisit l'explosion du 1er étage à 27 km d'altitude et à une vitesse de 1000 m/s.
Ensuite, à 162 s, CORALIE explosa et enfin à 189 s la coiffe se désintégra.
On découvrit durant l'enquête que la ligne de blindage de l'instrumentation de la coiffe n'était pas reliée à la masse. De plus, elle était reliée aux 5 prises de pression de la coiffe (1 au Sommet, les 4 autres à 45°). Elle constituait ainsi une électrode isolée soumise aux influences électrostatiques. Le blindage relié au capteur n'étant pas connecté à la masse, il pouvait se produire un claquage. Ce dernier se produisit à 105 s, arrêtant le calculateur.
Un second claquage fit "sauter" le séquenceur et, l'échauffement gagnant la coiffe, il se produisit des claquages au niveau des capteurs de pression, d'où les phénomènes observés.
La reprise des claquages à 150, 162 et 189 s, s'expliqua par les séparations d'étages qui produisirent des redistributions de charges, rechargeant la coiffe et réalimentant le phénomène jusqu'à la destruction du lanceur.
Ces conclusions furent rendues publiques au début de l'année 1973.
Entre-temps, les remèdes proposés (diminution de la sensibilité aux parasites du calculateur et du séquenceur, vérification des mises à la masse et revêtement de la coiffe d'une peinture conductrice) avaient été appliqués au lanceur suivant, F12, dont le vol était prévu le 14 juillet 1973.
En raison de retards de livraison d'équipements du 3e étage, le tir fut repoussé au 1er octobre 1973.
Mais lors de la 64e session du Conseil de l'ELDO, le 27 avril 1973, la France et la RFA décidèrent l'abandon du programme Europa 2 alors que la Blue Streak F12, partie le l er avril, était en chemin vers Kourou, de même que Coralie, Astris devant arriver début août...
Ainsi s'acheva le programme des lanceurs EUROPA 1 et EUROPA 2, bien que les lanceurs F12 à F18 aient été en cours de fabrication, 4 d'entre eux ayant des clients SYMPHONIE 1 et 2 pour F13 et F14, deux satellites scientifiques européens de l'ESRO pour F15 et F16.
4.3 Les vols Cora
Le premier vol, G1 eut lieu le 27 novembre 1966 d'Hammaguir, en Algérie.
Ce fut un demi-succès, en raison d'une panne du système de pilotage 62 s après le décollage....
La mise à la masse accidentelle (isolant détérioré) du circuit de commande électrique d'une servo-valve avait entraîné le blocage en fin de course du vérin contrôlant le braquage d'une des 4 tuyères. La tuyère antagoniste ne put compenser le déséquilibre d'où une évolution en roulis très brutale après 70 s de vol.
L'engin n'étant plus contrôlé ni en tangage, ni en roulis, il se désintégra sous la violence des efforts subis.
Le vol G2, eut lieu du même endroit le 18 décembre 1966. Il décolla à 9 h15 T.U., culmina à 55 km à 176 s (après 100 s de vol propulsé) et retomba en plein Sahara, à 50 km du pas de tir. Ce vol fut un plein succès.
Quant au 3e et dernier vol de Cora, il eut lieu le 25 octobre 1967 du C.E.L à Biscarosse. Ce fut un échec dû sans doute à un défaut de câblage.
Le vol G4 fut annulé et remplacé par le vol Europa 1 F7, ainsi que les vols G5 et G6 de l'engin CORA 2 qui furent eux remplacés par les vols Europa 1 F6/1 et F6/2.
Ainsi s'acheva la courte carrière de Cora.
5. LES ACQUIS DE CORALIE
Coralie fut le 1er engin à ergols stockables N204/UDMH à voler en Europe. Il a permis au LRBA (puis à la SEP) de maîtriser le maniement et l'utilisation opérationnelle de ces ergols.
En tant que tel, il a ouvert la voie au moteur Valois de Diamant B puis BP4 ainsi qu'au moteur Viking.
6. LES AUTRES UTILISATIONS ENVISAGEES DE CORALIE
D'autres utilisations avaient été envisagées pour Coralie, tant au niveau national qu'au niveau européen.
6.1. Projets nationaux
Dès 1963 furent entreprises des études visant à doter la France d'un lanceur lourd dérivé de DIAMANT et utilisant les mêmes technologies.
Le 1er projet fut le lanceur MERCURE.
Cette fusée tri-étage devait parvenir à mettre en orbite géostationnaire 70 kg, ou encore 760 kg à 300 km.
Le 2e étage de MERCURE n'était autre que CORALIE...
En 1964, le projet fut remanié et doté d'un 3e étage cryotechnique pouvant placer 240 kg sur orbite géostationnaire. Ces projets furent abandonnés peu après.
En 1967, une nouvelle tentative eut lieu, ce furent les lanceurs VULCAIN et SUPER VULCAIN, qui utilisaient à nouveau les technologies de DIAMANT B et CORALIE
VULCAIN devait placer 1 t sur orbite basse ou 180 kg sur orbite géostationnaire son 2e étage contenant 16 t d'ergols tandis que le 1er était 1 "fagot " de 4 étages L 17 appelé Catherine.
projet Catherine du LRBA exposé en 1967 au Salon du Bourget
Quant à SUPER VULCAIN, lourd de 363 t au décollage, il devait placer 5 t sur orbite basse ou 800 kg en orbite géostationnaire. |
Enfin, vers 1969, des études furent engagées visant à concevoir des lanceurs moyens dont le 1er étage utilisait 4 moteurs à turbopompe 3 versions dotées de CORALIE comme 2e étage furent envisagées, devant placer de 200 kg à 2 t en orbite géostationnaire.
Aucun de ces projets ne fut concrétisé, bien que certains avant-projets aient déjà beaucoup ressemblé à ARIANE.
projets de fusées françaises présentées au Bourget en 1967 hyper diamant Diogène et Vulcain
6.2. Projets européens
Dès 1968, I'ELDO entreprit des études en vue de concevoir un lanceur plus performant que l'Europa 2. Il devait en effet pouvoir placer de 400 à 700 kg sur orbite géostationnaire.
Baptisé "Europa 3", il connut plusieurs configurations concurrentes entre elles ainsi qu'entre des versions améliorées d'Europa 2.
Parmi celles-ci, quatre utilisaient Coralie, soit sans changement, soit allongées (Europa 3 ME). Aucun de ces projets ne connut la moindre concrétisation, car une autre conception d'Europa 3 fut retenue.
Comme on le voit, Coralie eut de nombreuses utilisations "sur papier" et fut l'étage d'Europa le plus employé pour des études d'avant-projets.
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