- Les Origines du CECLES-ELDO
la préhistoire de cette organisation spatiale est bien connue, depuis les mises au point apportées par De Maria et Krige (1992) et plus amplement par Krige ( 1993a). Les origines militaires des deux premiers étages du lanceur Europa Le Blue Streak anglais et la fusée Véronique française sont également connues:(voir les détails dans l'article sur les missiles). La volonté du CERS-ESRO d'exclure les lanceurs de l'organisation intervient précisément au moment où les Etats-Unis proposent de mettre leurs lanceurs (Scout et Thor) à la disposition des pays du bloc occidental et alors que la Grande-Bretagne développe une intense activité diplomatique pour que les Européens acceptent d'utiliser le missile Blue streak comme base d'un futur lanceur européen.
La proposition Britannique
Les Anglais, engagés depuis le milieu des années 50 dans plusieurs programmes (Blue
Streak, Black Knight ou Skylark) disposent au début de 1960, d'une certaine avance par rapport aux autres pays européens dans plusieurs domaines fondamentaux des techniques liées aux fusées (propulsion,électronique,guidage,ect...).En Avril 1960, le gouvernement britannique mettait en avant des raisons budgétaires pour justifier l'abandon du programme Blue Streak, dont la conception déjà ancienne n'était plus adaptée au nouveau concept stratégique de l'époque, qui s'orientait vers les missiles mobiles et les sous-marins lance-engins.En tant que missile stratégique, Le Blue Streak, était devenu obsolète. Un peu plus tard, au cours du sommet de Nassau, les anglais, répondants à l'appel du large, accepteront l'offre américaine des missiles Polaris embarqués à bord de sous-marins.
Le gouvernement britannique, estimant qu'un arrêt pur et simple du programme serait onéreux et politiquement néfaste, propose aux européens, d'utiliser le Blue Streak comme élément de base d'un futur lanceur européen et soumet aux français un premier projet, reprenant le principe du Black Prince composé d'un Blue Streak en 1er étage surmonté d'un dérivé du Black Knight.
Black Prince: Blue Streak surmonté de Black Knight
Le comité des recherches spatiales, appelé par le gouvernement français à rendre un avis sur la proposition britannique, émet des réserves sur l'opportunité pour la France de s'engager dans un tel projet. Pour ses membres, l'accepter en l'état serait faire supporter à l'Europe les frais d'une opération dont tout le bénéfice, technique et financier, reviendrait aux britanniques. Considérant toutefois qu'il n'était pas possible politiquement de rejeter l'offre de coopération britannique, le comité rend finalement un avis favorable, assorti de sous conditions.Devant ces réticences, la Grande-Bretagne propose alors à la France de s'associer pour présenter aux autres pays européens un projet commun de lanceur européen qui pourrait comprendre un deuxième étage français, en lieu et place du Black Knight anglais. Les scientifiques français restent réticents et les ingénieurs impliqués dans le programme français de missiles balistiques, également consultés, adoptent une position tout aussi défavorable.La France envisage toutefois de proposer l'étage Coralie. Au mois de septembre, une réunion du comité permet de dégager trois points qui resument le sentiment général et motivent une telle position: les risques de voir les budgets de la recherche spatiale absorbés par le développement du lanceur; l'évaluation financiére etablie par les britanniques paraît nettement insuffisante et les performances du Blue Streak sont jugées trop importantes pour les satellites prévus. Quant aux militaires, guére plus favorables, ils mettent en avant les problèmes que pourraient poser les transferts technologiques, entre les pays concernés. Seuls les industriels manifestent de l'intérêt pour le projet et voient dans cette coopération une opportunité intéressante.Le Conseil de l'europe, appelé à débattre sur le sujet recommande au conseil des ministres européens d'accélérer la mise en place d'une organisation européenne chargée de mettre au point un lance-satellite.A plusieurs reprises, au cours des mois de novembre et décembre, des experts de la DTIA rencontrent leurs homologues britanniques. En conclusion de leur rapport, ils estiment que la France est techniquement capable de mener à bien l'etude du deuxième étage, mais rappelant que la mission prioritaire de la DTIA est de développer des engins balistiques français, ils émettent un avis "formellement défavorable à l'entreprise de l'opération". Le 11 décembre, le ministre britannique Peter Thorneycroft indique à Pierre Guillaumat qu'il est prêt, en dépit de l'avis des experts anglais qui estiment que la solution d'un deuxième étage français risque d'être onéreuse et d'allonger les délais, à l'accepter à la condition que les industriels britanniques y soient associés à titre de consultants. Devant le peu d'empressement des français, il formule une nouvelle proposition qui peut se résumer ainsi: les deux gouvernements décident de faire en commun un lanceur de satellites lourds, dont les dépenses seraient supportées à 50% par chacun des pays, à moins que d'autres pays européens y contribuent.Pour Pierre Guillaumat, la France ne peut accepter un engagement à hauteur de 50%, dans la mesure où la proposition britannique ne concerne que les lanceurs, il considère en outre que ce n'est plus de sa compétence, mais de celle du ministre des Armées. Le général Gaston Lavaud, qui participe à la réunion, précise que le ministre des Armées est prêt à s'engager dans un tel programme dans la mesure où cette coopération pourrait engendrer des économies dans le programme français.Cette attitude des militaires français peut s'expliquer par le fait que la France espère obtenir es britanniques un véritable transfert de technologie dans plusieurs domaines, dont le guidage qui représente alors un des points faibles des français. Les britanniques étant liés sur ce plan, aux américains, tout transfert de technologie parait compromis. Le 15 décembre une rencontre entre Pierre Messmer et P.Thornycroft ne donne rien de concret.
La décision du général de gaulle
Fin janvier 1961, après une entrevue avec le premier ministre britannique Harold Macmillan, le général De gaulle décide, contre l'avis des experts français, d'engager la France dans le programme. Quelques jours plus tard s'ouvre à Strasbourg, la conférence au cours de laquelle le projet franco-anglais est proposé aux autres pays européens. L'allemagne ayant finalement accepté de fabriquer le 3éme étage et plusieurs autres pays ayant exprimé leur volonté de participer au programme, il est possible de réunir, fin octobre à Lancaster house, une nouvelle conférence qui prend la décision de construire un lanceur européen et d'entamer le processus de création d'une nouvelle organisation européenne. Ce dernier aboutit, le 30 avril 1962, à la signature de la convention créant l'Organisation européenne pour la mise au point et la construction de lanceurs d'engins spatiaux (CECLES-ELDO).
extrait de Michel Bignier à propos des déménagements du CNES : http://www.3af.fr/sites/default/files/lettre_3af_n-6_2010.pdf ...
Les vicissitudes du lanceur Europa
Les travaux sur la définition du premier lanceur débutent à la fin de 1963, sur la base du Blue Streak britannique.L'objectif est alors de mettre au point un lanceur ELDO A (Europa 1) capable de placer une tonne sur une orbite basse quasi-circulaire, ce qui correspond à la masse du Large Astronomical Satellite (LAS) du CERS-ESRO, ou de lancer des satellites scientifiques de masse nettement plus faible sur des orbites excentriques.
lanceur ELDO A (EUROPA1)
Les premiers essais en vol débutent rapidement. De 1964 à 1966, le premier étage Blue Streak est expérimenté en vol à cinq reprises toujours avec succès. Le développement du deuxième étage Coralie est confié à Nord Aviation et au L.R.B.A pour la partie moteurs, l'ensemble étant coordonné par un bureau commun le "Nord-Vernon". Afin de tester en vol les nouvelles technologies employées, une version de cet étage, Cora, lancée à Hammaguir depuis le sol à trois reprises, enregistre deux echecs en 1966 et 1967. Les trois essais suivants sont alors annulés. En Août et en décembre 1967, deux essais de la fusée Europa1 comportant les deux premiers étages actifs se soldent également par des échecs. Dans les deux cas, le deuxième étage ne s'étant pas allumé, les français décident de réorganiser le programme Coralie. La tutelle passe de la délégation ministérielle à l'armement (DMA) au CNES qui demande à la SEREB de revoir le programme. Les nouvelles équipes du CNES et de la SEREB corrigent rapidement les défauts de Coralie qui s'avèrent provenir essentiellement des problèmes d'interface avec le premier étage.
Lors des tirs suivants d'Europa 1, qui interviennent en 1968 et en 1969 depuis Woomera, c'est au tour du troisième étage Astris, construit en R.F.A avec l'assistance de la France, d'être à l'origine des échecs du lanceur. Pour les français, l'échec du programme Europa est imputable à l'absence de maître d'oeuvre compétent pourvu d'une autorité technique. Ils considèrent également qu'après l'abandon par le CERS-ESRO du satellite astronomique LAS, la fusée Europa 1 n'est plus adaptée à la situation et qu'il est indispensable pour l'Europe de tenir compte de l'émergence des satellites d'applications, notamment des satellites de télécommunications sur orbite géostationnaire. Dès janvier 1965, la conférence des ministres plénipotentiaires du CECLES-ELDO s'était réunie avec l'objectif de revoir le financement du programme et d'examiner les possibilités de développer les versions ELDO A/S et ELDO B proposées par le secrétariat du CECLES-ELDO.
Le projet ELDO A/S consiste à ajouter un étage d'apogée à poudre au lanceur existant. Le second projet ELDO B étudié comporte deux versions: ELDO B1 à deux étages et ELDO B2 à trois étages. Il est alors proposé par la délégation française que l'on passe directement à la version ELDO B en arrêtant immédiatement les travaux sur les deux étages supérieurs et en supprimant les tirs d'essai d'ELDO A après le tir F4. Le projet ELDO A/S serait remis à plus tard. La France voudrait remplacer le deuxième étage Coralie par un étage cryogénique utilisant un dérivé du moteur HM4 développé par la SEPR. Mais cela nécessiterait d'abandonner les essais en cours avec ELDO A, de retarder le programme, d'augmenter les coûts et d'accroître les risques techniques. Finalement la conférence d'avril 1965, décide de conserver le lanceur ELDO A comme base de développement d'un lanceur plus performant par la suite.
ELDO B1etB2
Les Premières conférences Spatiales Européennes
Alors que se poursuivent les premiers essais en vol, début 1966, le CECLES-ELDO entre dans une phase de crise importante. Les britanniques annoncent leur intention de remettre en cause leur participation pour des raisons financières. Ils estiment que le Blue Streak, dont ils ont la responsabilité, a parfaitement fonctionné lors de tous ses essais en vol et qu'ils ne voient pas pourquoi ils auraient à assumer les dépassements de coûts du programme. Devant cette menace et les divergences techniques non résolues, il est décidé de convoquer une nouvelle conférence ministérielle; celle-ci devra se réunir à trois reprises au cours de l'année, donnant l'occasion au nouveau ministre Alain Peyrefitte de déployer toute son énergie, réussissant finalement à convaincre les anglais de rester. La première session de la conférence, qui se tient en avril, permet à chacun d'exposer ses vues, mais aucune décision claire n'est prise. Au cours de la session de juillet, les participants parviennent à s'entendre, y compris avec la Grande-Bretagne, sur une réorientation du programme, à compter du 1er janvier 1967. Elle porte sur l'adjonction à Europa 1 d'un étage Apogée /Périgée pour donner ELDO-PAS ( Europa 2), la confirmation de l'utilisation du CSG comme base équatoriale et le principe du retour industriel ( à hauteur de 80%); La conférence adopte également une résolution dans laquelle les ministres considèrent nécessaire et urgent que l'Europe se dote d'une politique spatiale européenne coordonnée englobant les différentes formes d'activités spatiales. Pour parvenir à ce but, La Conférence décide de se donner un caractère permanent et de se réunir au moins une fois par an. La session suivante , qui se tient à Paris du 11 au 13 décembre 1966, rassemble tous les états membres du CERS-ESRO , du CECLES-ELDO et de la CETS. A partir de cette réunion, elle prend le nom de conférence spatiale européenne (CSE) . La principale décision prise au cours de cette session, à l'initiative du premier ministre Belge, est la création d'un groupe ad hoc chargé, sous la direction de Michel Bignier, de dresser un inventaire détaillé des programmes, ainsi que des besoins et des ressources de l'Europe dans le domaine spatial.
En parallèle, se profilait le renégociation des accords INTELSAT . Plusieurs responsables Européens pensaient que pour se trouver en bonne position lors des négociations,il fallait que l'Europe se dote de compétences techniques et d'une industrie crédible.C'est un sentiment de même nature qui selon l'historienne Lorenza Sebesta, animait les promoteurs français à la version Europa 2, dont deux exemplaires avaient été commandés pour assurer le lancement des deux satellites Symphonie.
Considérant qu'une fusion des différents organismes prendrait du temps, la Conférence spatiale européenne décide, en juillet 1967, de créer un comité consultatif des programmes(CCP) placé sous la présidence de Jean Pierre Causse, directeur du centre technique du CNES à Brétigny. Il a pour mission de faire des propositions pour l'établissement d'une politique spatiale européenne, prenant en considération les intérêts scientifiques, technologiques et économiques des activités retenues.
Fin décembre 1967, le comité consultatif des programmes (CCP) remet son rapport. Le dit "Rapport Causse" qui préconise en substance:
- d'inclure les satellites d'applications dans le programme du CERS-ESRO jusque-là limité de par la convention aux recherches scientifiques, malgré la première étude demandée par le CETS.
- de prévoir après Europa 2, un lanceur plus puissant pour placer sur orbite géostationnaire des satellites de télévision directe.
- de fusionner le CERS-ESRO et le CECLES-ELDO au sein d'un organisme unique.
Ce rapport proposait également de procéder en deux étapes: La 1 ére Europa 3, ajouterait au Blue Streak un 2éme étage cryogénique et la 2 éme étape, Europa 4 , consisterait à accoler à un étage Blue Streak 4 boosters à propergol liquide dérivés du Diamant B (baptisés Carole). voir schéma E
différentes possibilités de développement des lanceurs Europa d'après le rapport Causse
A) Europa 1
B) Europa 2
C) Europa 1 avec propulsion électrique
D) Blue Streak avec 2 boosters à propergol liquide (2 Blue Streak supplémentaires)
E) Blue Streak avec 4 boosters à propergol liquide de type "Carole" dérivés du diamant B (Europa 4)
F) Europa 3 avec 2éme étage cryogénique
G) Europa 3 avec propulsion électrique
H) Europa 4 avec 2 boosters à propergol liquide (2 Blue Streak)
I) Europa 4 avec 2 boosters à propergol liquide (Blue Streak) et propulsion électrique
proposition britannique alternative de Hawker Siddeley Dynamics en Septembre 1972 pour Europa 3 (étage supérieur cryogénique avec 2 boosters à propergol liquide L-17 dérivés de Diamant B )
Evolutions envisagées des fusées Europa d'après Michel Van
Solution H du rapport Causse pour Europa 4 de Hawker Siddeley Dynamics avec 2 boosters à propergol liquide dérivés du Blue Streak
autre configuration de type "TITAN 3 " autour d'Europa 2 avec différentes tailles de boosters à propergol solide (les moteurs devaient être construits sous licence en Italie par BPD)
Le rapport Causse ne remettait pas en cause le projet Europa 2, même si la question de sa survie au-delà de la phase de développement se trouvait posée. Cela donna lieu à un débat intense, à l'issue duquel le CECLES-ELDO décida de mener à son terme cette phase de développement et créa une Direction des activités futures (DAF) qui sera confiée en 1969 à Jean Pierre Causse.
Le conseil du CECLES-ELDO, tenant compte des difficultés passées, donne des pouvoirs supplémentaires au Secrétariat pour assurer le développement d'Europa 2. Le Conseil accorde notamment au secrétariat la possibilité de conclure directement des contrats avec les industriels.
différences entre Europa 1 Europa 2 (Michel Van)
Sur une proposition de Charles Cristofini, président de la SEREB, le conseil accepte la constitution d'un groupe industriel intégrateur, chargé d'aider le Secrétariat. Créé officiellement le 1er janvier 1968 sous la forme d'une société anonyme, la SETIS ( Société pour l'Etude et l'intégration de systèmes spatiaux) dont le capital est souscrit par plusieurs firmes européennes, est un groupe d'ingénieurs qui exerce un rôle proche de celui d'architecte industriel.
Dirigée par un jeune ingénieur de la SEREB, Jean Charles Poggi, la SETIS constitue une première étape vers la rationalisation de l'organisation. A la fin du mois de février, le général Aubiniére est élu président du conseil du CECLES-ELDO en 1968.
Le 21 juillet 1968, le général De gaulle accepte l'idée du CNES qui prévoit qu'en cas d'echec du CECLES-ELDO, de développer un nouveau lanceur, en collaboration avec d'autres pays européens. Plusieurs projets sont étudiés La Turquoise à poudre ou le Catherine à liquides, encore au stade d'avant projet. Parallèlement à l'évolution du programme Diamant, dès 1962 l'ingénieur général Pierre Soufflet, directeur du département Engins de la DMA, considérant sur la base des premiers travaux réalisés, que la propulsion cryogénique ( hydrogène et oxygène liquides) avait un bel avenir pour les futurs lanceurs spatiaux, réussit à faire financer par la DMA, donc les Armées, un programme d'études dont la réalisation fut confiée à la SEPR.
Sans attendre la réunion de la Conférence spatiale européenne qui doit statuer sur le rapport Causse, les britanniques indiquent qu'ils ne participeront pas aux futurs programmes de lanceurs du CECLES-ELDO.. Refusant tout nouvel engagement financier, ils acceptent néanmoins de fournir l'étage Blue Streak jusqu'en 1976. La Conférence des ministres plénipotentiaires du CECLES-ELDO, qui se réunit les 11 et 12 juillet 1968, est un échec. l'Italie et la Grande-Bretagne refusant d'augmenter leur contribution, la Conférence arrête un programme d'économie qui porte principalement sur l'abandon des essais Vempa et la suppression du troisième essai en vol prévu d'Europa 2.
Tandis que l'Europe s'embourbe dans ses contradictions et ses difficultés, les américains mènent à bien l'expédition de l'homme sur la lune (vols Apollo 7 et 8 ). le gouvernement français , constatant que la situation européenne ne fait qu'empirer et a toutes les chances de déboucher sur une impasse, suggère qu'en pareil cas, la France se retire de l'organisation. La possibilité de s'allier avec les états partageant la volonté de doter l'Europe d'un lanceur doit néanmoins être envisagée. Malgré les bons offices du ministre belge Théo Lefèvre, la question n'est toujours pas réglée en octobre 1968.
Le 6 Novembre 1968, un conseil interministériel étudie le dossier du CECLES-ELDO, afin de préparer les réunions européennes qui s'annoncent. La France se prépare à adopter une position de fermeté: elle accepte de maintenir sa participation au CECLES-ELDO, même en cas de défection des anglais, à la double condition que les britanniques continuent à fournir le Blue Streak et que tous les autres pays maintiennent leur participation. Du 12 au 14 Novembre 1968, La Conférence spatiale européenne, présidée par le ministre Allemand G. Stoltenberg, se tient à Bad-Godesberg. Bien que toutes les divergences ne puissent être effacées, un fragile consensus est néanmoins acquis sur quelques points. La Grande-Bretagne ayant acceptée de fournir les Blue Streak jusqu'en 1976, les programmes Europa 1 et Europa 2 peuvent continuer. En outre, une solution est trouvée en ce qui concerne la participation de l'Italie. La France avait obtenue satisfaction. l'intérêt du plan proposé était de maintenir un programme spatial comprenant une large gamme d'activités sans obliger tous les états membres à contribuer au coût des lanceurs. Comme condition de sa participation au programme minimum, la Grande-Bretagne demanda à être déchargée d'une partie de ses engagements envers le CECLES-ELDO. l'Italie, lésée dans la répartition des contrats industriels, n'accepta la nouvelle solution qu'ad référendum. A la session du Conseil du CECLES-ELDO de décembre 1968, la Grande-Bretagne et l'Italie estimèrent que le nouveau programme était un programme ultérieur au sens de l'article 4 de la convention et refusèrent d'y participer. La Grande-Bretagne manifesta également son intention de quitter le CECLES-ELDO en 1972 à l'achèvement du programme en cours. Le sort même de l'organisation était en cause et elle ne fut sauvée que par la détermination des quatre pays membres restant, à savoir la République fédérale d'Allemagne ( RFA), la Belgique, la France et les Pays-Bas, de poursuivre le programme en prenant en charge les sommes correspondant aux diminutions des contributions de la Grande- Bretagne et de l'Italie.
air et cosmos N°283 du 22 février 1969 : "réunion du mardi 18 février 1969"
La crise fut dénouée le 15 avril 1969 et il fut également décidé d'entreprendre les études relatives à une nouvelle fusée Europa 3. Plusieurs projets sont présentés fin 1969 et une décision définitive devait être prise début 1970, lors du Conseil des ministres. Le projet Europa 3 visait à donner à l'Europe aux alentours de 1978, la possibilité de mettre en orbite géostationnaire un satellite de 500 à 700 kgs; (poids estimé d'un satellite de télécommunications opérationnel). Les projets les plus simples pourraient comporter l'adjonction de boosters soit à propergol solide P16 ou liquide L17 au premier étage Blue Streak existant : Il s'agit d'Europa 2/TA qui est une solution qui pourrait être opérationnelle dans le courant de l'année 1976) mais qui ne permettrait pas de mettre en orbite géostationnaire une charge de plus de 300 kgs . La solution Europa 3 A propose un 2éme étage cryogénique sur un premier étage Blue Streak, ce qui permettrait de faire le premier lancement fin 1979. Ce lanceur pourrait être optimisé par l'ajout de deux boosters P16 ou L17 : ce qui conduirait à Europa 3/TA pouvant mettre 700 et même 900 kgs en orbite. Europa 3 B proposé par la France avec un 1er étage L-120 (4 moteurs viking du L.R.B.A) et le deuxième étage tous deux cryogéniques. Le concept Europa 3 C reposerait quant à lui, sur 4 moteurs Rolls Royce (utilisés sur le Blue Streak) pour son 1er étage de structure remaniée L140 associé à un 2éme étage cryogénique. Enfin Europa 3 D, proposé par les Allemands (MBB) avec une propulsion cryogénique à oxygène et hydrogène liquides révolutionnaire sur les premiers et second étages. Europa 2 D utiliserait un deuxième étage H20 Astris mais ne serait qu'une étape devant conduire à Europa 3 D.
Le 3 juillet 1969, c'est l'échec du tir F-8, le troisième étage Astris n'a pas fonctionné.En 1970, des divergences apparurent au sein du groupe des quatre, les Pays-Bas n'acceptant pas l'offre de financer les nouveaux dépassements de crédits relatifs à la fusée Europa 2. Le 4 novembre 1970, lors de la 4 éme réunion de la CSE à Bruxelles, l'Europe spatiale vole en éclats, la France, l'Allemagne et la Belgique décident de partir seules, laissant le soin aux autres de venir les soutenir s'ils le désirent dans la construction d'Europa et le développement des satellites d'application!!!!
la crise de l'Europe spatiale vue par le Canard Enchaîné en novembre 1970
L'offre de participation au programme post-Apollo faite aux européens par le Gouvernement des Etats-Unis a encore accentué les désaccords au sein du CECLES-ELDO. Cette participation étant très coûteuse, elle ne pouvait guère être entreprise qu'au détriment des programmes européens, en particulier les programmes de lanceurs. l'Alternative ainsi ouverte conduisit à un désaccord entre l'Allemagne et la France qui demeuraient les principaux contributeurs aux programmes Europa 2 et Europa 3. En mai 1971, les responsables s'étaient mis d'accord sur le projet de lanceur Europa 3 B à deux étages et en novembre 1971, la Fusée Europa 2 explose après deux minutes et demi de vol. De toutes façons, l'évolution d'un certain nombre de données dans le domaine spatial ne pouvait que renforcer l'opposition entre les deux Etats au sujet des lanceurs. En effet dans une lettre du 16 juin 1972, les Etats-Unis avaient assuré qu'ils lanceraient les satellites "opérationnels" de télécommunications définis par le CERS-ESRO et que l'Europe veut réaliser en 1980, de même que les satellites nationaux des Etats européens. D'autre part les caractéristiques des satellites européens prévus pour 1980 risquaient de rendre dépassée la fusée Europa 3. Enfin le programme post-Apollo lui-même modifiait profondément la technique spatiale. La navette, prévue pour ce programme, pouvait effectuer de multiples tirs et se placer elle-même sur orbite, faisait ressortir le retard technique et le risque d'inutilité des lanceurs européens. Compte tenu de cette situation, la RFA estima que l'Europe avait intérêt pour maintenir et assurer son niveau technologique à participer au programme post-Apollo et à renoncer à Europa 3. A la Conférence Spatiale européenne de décembre 1972, la RFA décida de ne plus participer au programme Europa 3. La France très attachée à l'indépendance politique de l'Europe, entendait maintenir à tout prix une capacité européenne de lancement. Elle déclara alors qu'elle réaliserait, seule s'il le fallait, mais en acceptant la collaboration de ses partenaires européens, une fusée nommée L 3 S à 3 étages dérivée d'Europa 3 B. Le CECLES-ELDO n'avait plus qu'un seul programme mais largement hypothéqué puisque dès décembre 1972, l'Allemagne avait indiqué qu'elle ne souhaitait plus continuer le développement d'Europa 2 devenu pratiquement sans intérêt. Les nombreuses négociations qui eurent lieu pendant les premiers mois de 1973, dont on espérait la continuation de la mise au point d' Europa 2, jusqu'au prochain tir d'essai prévu pour octobre 1973 ne permirent pas de faire revenir la RFA sur sa décision et le 27 avril 1973 au conseil du CECLES-ELDO, l'Allemagne et la France décidaient d'arrêter toute contribution au programme Europa 2. Le dernier programme du CECLES-ELDO était interrompu et l'organisation condamnée à disparaître.
La France présentera son projet de lanceur lourd de troisième génération de substitution le L3S plus simple et moins coûteux qu'Europa 3, le 10 mai 1973 aux partenaires européens intéressés ce qui deviendra le projet Ariane.
EUROPA 3 B